Langue et Identité


Langue maternelle et identité

http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/lf/Tous-les-dossiers-et-les-publications-LF/Dictionnaires-et-francophonie/Les-videos/p-11651-Alain-Rey-Langue-maternelle-et-identite.htm

Alain Rey - Conseiller éditorial des Editions Le Robert : Le dictionnaire culturel 
Langue maternelle et identité 
"L'identité langagière est dans la langue maternelle à tous les niveaux fondamentaux des réactions affectives ou sentimentales ... en revanche, quand il s'agit de raisonnements abstraits, de gestion, d'administration ... là, une autre langue peut prendre le relai". 

Langues en péril 
"... C'est inéluctable. Par exemple il est absolument impossible que les 400 langues de Nouvelle-Guinée se maintiennent, si on veut que cette nation se développe ... " 

Identité nationale et langue française, par Claude Hagège

Le Monde | 

Le lieu de notre définition collective est plus que tout la langue : c'est celle-ci que, partout et toujours, les nations exaltent pour être reconnues. Il est donc surprenant que le débat sur l'identité nationale ne fasse pas référence à la langue française, jusqu'ici enjeu capital sous tous les régimes. Pourquoi est-elle aujourd'hui occultée ?
Sous les IIIe, IVe et Ve Républiques avant 1992, le français était conçu comme une valeur politique fondamentale, investie même d'une mission civilisatrice. L'école incarnait cette conception, et même les adversaires de l'expansion coloniale voyaient en lui une compensation à l'entreprise de conquête fondée sur le profit. Aujourd'hui, la France voit aussi sa langue comme celle d'un pays membre de l'Union européenne.
Dès lors, l'idéologie dominante se contente de camper sur les positions acquises par le français dans le monde, ou même les affaiblit : très souvent, on réduit le nombre et le budget des services culturels français, au moment même où des pays, qui ont découvert bien après la France l'importance de leurs langues pour la promotion mondiale de leurs identités nationales, multiplient partout les instituts : Goethe pour l'allemand, Cervantès pour l'espagnol, Camões pour le portugais, et surtout Confucius pour le chinois.
A ces dynamiques foisonnantes tente de répondre le récent projet d'Institut Victor-Hugo, certes prometteur, mais non encore doté de tous les moyens de son efficacité.
L'oubli du rôle de la langue dans la définition de l'identité nationale s'accompagne, logiquement, de l'absence de l'Etat face au déferlement d'une langue qui porte une autre identité : l'anglais. Aucun contrôle officiel ne vient contenir ce déferlement, favorisé par l'idéologie libérale, qui ouvre un vaste champ à l'américanisation du français dans tous les domaines. Ce phénomène, certes général en Europe et ailleurs, revêt en France un aspect d'autant plus caricatural, sinon tristement comique, que ce pays est celui-là même qui s'est très longtemps distingué par sa conception de la langue comme objet d'une politique concertée.
Paradoxalement, une partie de ceux qu'exclut la conception présente de l'identité nationale sont, par opposition aux Français de souche fascinés par tout ce qui est américain, des immigrés dont les plus cultivés voient dans le français le facteur même de leur intégration.
Leur vision rejoint celle des soixante-dix pays membres de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), créée en dehors de la France et, au début, sans elle, par des hommes politiques d'Afrique et d'Asie qui, une fois acquise l'indépendance, ont retenu le meilleur : le pouvoir inhérent à la langue, brocardé par certaines "élites" françaises qui noient leurs frustrations dans l'hostilité au "français colonial".
Les pays francophones comprennent mal que la masse des Français n'aime pas sa langue, et ignore l'OIF, où figurent le Québec, la Belgique, la Suisse, de nombreux Etats d'Europe et d'Asie. C'est la seule fédération bâtie autour d'une langue et offrant un autre choix face à l'anglais. Car avec ce dernier, le français, bien que moins riche en locuteurs que l'espagnol ou le portugais, est seul àpartager un trait capital : la présence sur les cinq continents.
Cette universalité justifie une politique résolue. La France, au lieu de donner au seul anglais une présence croissante dans l'enseignement, doit introduire dès le début de l'école deux ou trois autres langues. En effet, la promotion de la diversité linguistique du monde est étroitement solidaire de celle du français. Il faut exiger, d'autre part, que les anciens élèves des grandes écoles françaises cessent d'imposer, sans aucune raison convaincante, l'anglais aux personnels de leursentreprises installées en France.
Il faut que l'école souligne fortement la capacité du français à exprimer à lui seul tous les aspects de la modernité. Il faut y introduire l'histoire de la francophonie, comme matière révélant avec éclat le rayonnement du français et l'idée que s'en font bien des pays, face au discours du déclin qu'une partie de la presse anglophone distille ici et là. Cette place éminente de la langue française dans l'identité nationale est totalement compatible avec la construction européenne, et avec l'affermissement de la présence de la France parmi les puissances économiques d'aujourd'hui. Il est grand temps d'en convaincre les Français et le monde.

Claude Hagège est professeur émérite au Collège de France.

La langue, élément fondamental de l'identité nationale

http://podcast.univ-artois.fr/conferences/la-langue-element-fondamental.html

Conférence de Henri Boyer
Professeur à l’Université de Montpellier 3  /  Co-directeur de DIPRALANG-EA 739

Henri Boyer est sociolinguiste, spécialiste en particulier des idéologies-représentations-attitudes linguistiques, qui ne manquent pas d’être déterminantes dans le cadre de conflits de langues (conflits de type diglossique) et des politiques linguistiques qui leur sont appliquées.
Dans le cadre du séminaire doctoral « La mondialisation » proposé par CoTraLiS équipe rattachée à Textes et Cultures (EA4028), cette conférence relève de l’analyse macro-sociolinguistique. Elle souhaite présenter une idéologie politique, plus répandue qu’il n’y paraît : le nationalisme linguistique, comme l’une des options « interventionnistes » et altermondialistes en faveur de langues communes, dans les cas qui nous occupent (catalan, guarani) des langues minorées. On observera ainsi la place centrale des représentations et attitudes (ici attitude de loyauté, de fidélité envers la langue patrimoniale) dans la dynamique d’une configuration sociolinguistique, c’est-à-dire dans le maintien et l’expansion des usages de la langue en situation de minoration, c’est-à-dire de faiblesse.
Certes l’impact du nationalisme linguistique, construction idéologique à base de représentations ethnosociolinguistiques, n’est pas le même en Catalogne et au Paraguay où le castillan occupe une position différenciée (mais présentant la particularité d’être une langue imposée au cours de l’Histoire nationale). Cependant dans les deux cas on est fondé à se demander si,  sans le puissant moteur qu’a constitué et que constitue ce nationalisme linguistique, la minoration n’aurait pas conduit à la substitution …

MOHAMED Ahmed, Langues et identité. Les jeunes maghrébins de l’immigration

http://remi.revues.org/4072

Voici sur un thème classique, un ouvrage empirique de psychologie qui tient compte des apports des sciences sociales et présente des références bibliographiques certes un peu anciennes mais souvent méconnues des sociologues. Il est publié dans une collection dirigée par Geneviève Vinsonneau, spécialiste de Psychologie sociale dont on connaît et apprécie la qualité des recherches en psychologie interculturelle.
2L’identité personnelle y est analysée cliniquement, et la langue est approchée comme marqueur d’identité et comme ressource identitaire dans un contexte de rapports sociaux inégalitaires et d’acculturation. Elle n’est pas pensée comme un élément essentialiste qui construirait l’individu ou/et structurerait sa pensée. La langue et la culture d’origine ici considérée comme bien approchée par les références à la religion musulmane y sont conçues comme organisateurs psychiques qui favorisent l’appropriation des repères d’évaluation et de la netteté des différents codes, la fermeté des défenses au stress d’acculturation. Ce n’est donc pas le rôle de l’appropriation cognitive de la langue maternelle qui est analysé mais son rôle affectif et psychosocial. Sous cet angle, les données psychologiques nous montrent que l’apprentissage de la langue et de la culture d’origine est un élément positif pour les jeunes Maghrébins. C’est vers un objectif de biculturalisme et de bilinguisme que l’auteur grâce à ses données nous conduit. Pour celui-ci, il ne s’agit pas tant de préserver la langue maternelle que d’assurer aux deux langues, l’arabe et le français un statut d’égalité symbolique permettant au jeune de vivre sans conflit, sans hiérarchie sa double appartenance avec un sentiment de sécurité, de continuité, de fermeté des défenses face à toute déculturation dans un respect des images de soi.
3La perspective clinique de l’auteur nous ouvre sur des concepts que le sociologue abordera avec profit tels que l’élaboration psychique du processus identitaire, la nécessité d’une enveloppe culturelle, de renforcement narcissique.
4Le corpus des données réduit malheureusement par des contraintes éditoriales explorent plusieurs techniques d’investigation : entretien semi-directif des jeunes et de leurs parents, tests projectifs, test « qui suis-je ? ». Ainsi se voient combinés questionnaire d’enquête et approche clinique ; les attitudes et représentations des enseignants français vis à vis des ELCO sont aussi analysées. La méthodologie, fréquente en psychologie, compare deux populations quatre-vingt-dix jeunes de moins de onze ans et de onze à dix sept ans qui suivent des cours d’ELCO, et quatre-vingt-dix de même âge ne les suivant pas.
5La première partie classique et difficilement évitable est consacrée aux conditions sociales et psychosociales des jeunes issus de l’immigration maghrébine en France, la seconde à la socialisation et transmission culturelle dans les familles, et à l’expression et aux stratégies et bricolages identitaires des jeunes appuyés sur la religion et la langue. Moins fréquente, cette partie, plus anthropologique, appuyée sur les données de l’enquête est très intéressante. La troisième partie présente l’école et la socialisation, y est analysée l’enquête auprès des enseignants français. Nombre de ceux-ci soulignent les avantages des ELCO même s’ils ne sont pas d’accord avec la forme qui leur est donnée. Il faut attendre la quatrième partie pour voir traitées et trop souvent de façon allusive les conditions d’une construction identitaire psychique favorable chez ces jeunes. Pour les jeunes ayant suivi les ELCO les images de soi positives sont plus fréquentes que les images de soi négatives ; Avec le test « qui suis-je ? » est examiné l’effet de la variable fréquention ou non des ELCO sur la formation identitaire et la question de l’appartenance : ceux qui suivent des ELCO donnent avec beaucoup de facilité des descriptions positives de leur groupe d’appartenance et présentent un sentiment très fort d’estime de soi. Chez les autres on relève souvent des oscillations entre deux pôles identitaires présentés comme négatifs avec une auto dépréciation de soi, ils valorisent peu la religion et la culture d’origine.
6L’interprétation de A. Mohamed est que la langue d’origine enseignée très tôt préviendrait les crises identitaires occasionnées par un mauvais positionnement symbolique. Ce ne serait pas tant la distance entre le vécu socioculturel des jeunes et le monde scolaire et social qui serait en cause que la hiérarchisation opérée par le système social, la domination socioculturelle c’est-à-dire les effets désorganisateurs psychiques de la prise de conscience d’appartenir à un groupe défavorisé, les contradictions et paradoxes liés à l’assimilation au groupe majoritaire se marquent dans l’image de soi. Ainsi se trouvent confortées les données sociologiques issues du courant des recherches interethniques.


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